Mardi 2 avril 2013
Nos jeux d'écriture
L’imposture
Ceci n’est pas une œuvre d’Art*
Aux acteurs du Théâtre
"Le malheur du théâtre, c’est que les
acteurs sont tout à fait prêts à faire de leur art un simple métier. S'il est encore quelque chose d'infernal et de véritablement
maudit dans ce temps, c'est de s'attarder artistiquement sur des formes, au
lieu d'être comme des suppliciés que l'on brûle et qui font des signes sur leurs
bûchers. Les idées claires sont, au théâtre comme partout ailleurs, des idées
mortes et terminées. Je voudrais qu'on éteigne la
lumière sur le théâtre maintenant et que tous ceux qui savent, qui croient
savoir, reviennent au théâtre dans le noir, non pour encore et toujours
regarder, mais pour y prendre une leçon d'obscurité, boire la pénombre,
souffrir du monde et hurler de rire. "
Le Théâtre ?
"Regarder, c'est être peintre.
Souffrir, c'est être poète. De l'union de la plastique et de l'âme on peut
faire naître le plus bel art vivant intégral : le théâtre. Le théâtre est
beaucoup moins conventionnel que les autres arts comme la peinture, la
musique, la sculpture et même la littérature. La télévision et le cinéma, eux, saturent et
banalisent nos vies, ils banalisent de plus en plus notre théâtre. "
L’urgence du Théâtre pour tous
"C'est une extraordinaire chose que
le théâtre. Des gens comme vous et moi s'assemblent le soir dans une salle pour
voir feindre par d'autres des passions qu'eux n'ont pas le droit d'avoir -
parce que les lois et les mœurs s'y opposent. Nous aimons tous la douleur,
la violence, le sang, la mort au théâtre ; les Grecs aiment le sacrifice,
l'égorgement. Ils ont compris que les choses, la violence, doivent s'exprimer
d'une manière ou d'une autre et qu'il vaut mieux les exprimer sur une scène que
dans la réalité. L’action du théâtre comme celle de la peste est bienfaisante,
car poussant les hommes à se voir tels qu’ils sont, elle fait tomber le masque,
elle découvre le mensonge, la veulerie, la bassesse, la tartufferie."
Cette imposture** que vous venez de lire ne
choquera personne j’en suis sûr ... Tout le monde s’en fout. Tant pis : Le
Théâtre pleure de ne plus choquer. Enfin, j’imagine …
On croirait un truc inutile créé pour
« gonfler » nos chères têtes blondes. Une invention des profs (au
mieux, la sortie au théâtre, la lecture d’un classique, au pire …). Pauvre école.
Une
nécessité pour l’espèce humaine ?
Comment sommes-nous parvenus, au choix, à
l’enfermer, à le « polisser »,
à en faire un calvaire, une imposture, un moment de patronage décevant, une
thérapie de groupe, un ramassis de frustrés, la conclusion terrible d’une année
de réunions traumatisantes le vendredi soir autour d’un allumé qui vous relaxe,
puis vous excite, puis vous fait hurler n’importe quoi pour finir en juin sur
une scène improbable qui sert de déversoir ?
Le
bruit ambiant l’a-t-il noyé ? Le métier l’a-t-il perverti ?
Le verbe nous appartient, le verbe est notre secours, notre
survie. Notre devoir ? Reprenons-le. A qui ? A ceux à qui il serait
réservé. Qui a dit qu’il était réservé ? Peut-être ceux qui en ont le plus
besoin. Le connaissent-ils ? Je veux dire celui qu’on n’avait pas d’autre
choix que d’aller le voir puisqu’il n’y avait que lui …
Ça va, vous suivez, … ?
N’avons-nous plus envie de nous laver ? De nous nettoyer
? Car bien avant les monothéismes, Il était là. Déjà. Pour nous purifier, nous
absoudre ? Non surtout pas, ce serait trop pathétique, trop pédant. Pour
nous regarder en face. Sans détour. Les religions sont des détours. Et le reste
du décorum aussi … Les religions ont essayé de le piquer ce verbe. Elles
ont dit, le verbe est Dieu.
LOL
Le théâtre est verbe et le verbe, en sa maison, s’en fout.
Bien avant, et puis je le lui souhaite, bien après ce petit détour religieux et
malheureux, le Théâtre a vécu et vivra. Si aujourd’hui il est en mode survie,
je réalise en écrivant ces lignes que je m’inquiète pour rien. Il est si vieux
que son origine se perd dans le temps. Impossible de le dater. Alors, ce n’est
pas un pape, des fous de dieu, une perle technologique ou des problèmes
d’argent qui le réduiront. Le théâtre est irréductible. Car, il n’est pas en
dehors de nous. Il est naturellement en nous.
Amen.
Aujourd’hui, il manque un peu à l’appel car il n’est même
pas appelé. Nos viandes en pied, élevées au pesticide et aseptisées, puis
calmées à coup de tablettes (médicaments, ipad …) s’égarent sur l’écran de
leurs fantasmes. Kubrick était donc visionnaire dans son « Orange
mécanique ».
La solution est partout, sauf en nous. Et donc, surtout pas
dans le Théâtre. Ne surtout pas se regarder vraiment. Ne surtout pas regarder
ce que nous sommes.
Fade, mou, inaperçu, bouffi et élitiste : un moribond
ce bon vieux Théâtre. Mais un phœnix. Tout ce qui brûle de nouveau fait
théâtre. Que brûle notre gras et notre paresse et il reviendra, il sera
là ! Faisons le dos rond, et ne prions pas, ainsi, il renaîtra. Des
périodes douloureuses nous sont promises, c’est bon signe, il va ressusciter.
Le messie ?
Non, je vous rassure, le fou, le bouffon, le caillou dans la
chaussure et peut-être même le parpaing dans la gueule, bref le Théâtre quoi.
Je sens qu’il frémit à l’idée de nous réconforter le soir dans la chaleur de la
solidarité retrouvée, en nous serrant les coudes un instant, sur des sièges à
la con, avant de nous infliger un soufflet magistral.
J’attends ce moment placidement ? Non, je participe …
enfin, j’essaie … enfin, je vais essayer. Je suis fainéant à aller
chercher mon âme, pour aller toucher les autres. C’est tellement bien le
confort ... Pourquoi faut-il être au bord du gouffre pour se sortir les
tripes ? Pourquoi la médiocrité, les fadaises, la grisaille quotidienne
dominent notre cher quotidien ?
J’ai récemment failli être réveillé en entendant ces
propos : « Lorsque la maladie mentale est la norme d’une société, il
est difficile d’être sain d’esprit ». La maladie mentale, norme de notre
société ? Bah, … oui …
Qui peut alors au sein de la société nous le dire, et nous
le faire entendre, puisque par définition, un schizophrène, pour prendre un
exemple léger, n’a pas conscience de ce qu’il est ?
Une idée folle, une idée de
cinglé, allez, j’ose, le Théâtre peut-être ...
Truc de fou !
Richard
**L’imposture : Rendons
à César, ce qui appartient à César. Les trois paragraphes du début de l’article
ne sont pas de moi. J’aurais aimé … J’ai associé les citations d’auteurs, de
dramaturges, de metteurs en scène, bref, de génies du théâtre contemporain,
pour en faire un texte.
Pourquoi cette
« compilation » ? Parce que je relisais toutes ces citations qui
m’ont, personnellement, fait vibrer, sur la page Mots d’auteurs, et que, d’un coup, je réalisais à quel point elles
sont peu lues. Quel dommage !
Je vous invite donc à vous gaver
de sentences, de citations, de phrases, de paragraphes de ces maîtres du Théâtre. Aimons-les, et admirons la force directe de leurs propos. Amusez-vous
aussi, pourquoi pas, à retrouver ces auteurs. Il y en a trois par paragraphes.
Après tout, le Théâtre n’est-il
pas, finalement, une imposture ?
* En fait, il s'agit bien d'une œuvre d'art de Jean-Michel Basquiat. Rendons à César ...
D'autres articles sur la nécessité du Théâtre, de le lire, de le dire :
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